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Avertissement

par Don Mateo

Lady Agnès, assise sur son canapé, les jambes croisées, buvait une tasse de thé sur fond d'opéra. Elle m'avait préparé dans la salle de bain ma tenue pour l'après-midi. Une veste noire aux rayures jaunes de valet, des gants blancs, un string en latex noir, un collier et un plumeau arborant de magnifiques plumes blanches. Elle aimait converser avec moi tout en me regardant faire le ménage. J'en étais à épousseter les bibelots au dessus de la cheminée quand elle m'interrogea.
- Pourquoi un artiste aime-t'il faire le ménage ?
Je répondis sans m'interrompre.
- Pour vous, Madame, ce n'est pas faire le ménage, c'est vous servir.
Elle continuait de me fixer de dos.
- Et vous aimez me servir ?
- Oui Madame.
- Pourquoi ? me demanda t'elle.
La question m’embarrassa et je tardai à répondre.
- Je vous ai posé une question Don Matéo.
- Mon sentiment est que la femme est infiniment supérieure à l'homme. Il est donc naturel que je vous serve Madame.
Du bout de sa cravache, elle me flatta les fesses de deux petits coups.
- C'est bien. Continuez Don Matéo.
Je m'appliquais de plus belle au dépoussiérage.
- Développez votre idée, je veux dire.
- Madame, l'homme se prévaut de qualités supérieures à celles de la femme depuis la nuit des temps. Or, le mâle tue, viole, agresse, aime le foot et les grosses voitures, s'occupe peu de son couple.... Les femmes ont-elles ces « qualités » ? Heureusement non.
- Vous croyez ? me demanda t'elle.
- Ne pensez-vous pas vous même, Madame, en utilisant un soumis, que vous rétablissez une certaine équité ?
- Sans nul doute... Et dans l'art... les femmes sont-elles les égales des hommes ? m'interrogea t'elle.
- Si les hommes n'avaient pas interdit durant des siècles l'accès à l'expression artistique aux femmes, oui Madame. Elles seraient bien présentes.
- Par exemple ? reprit-elle de sa voix douce.
- L'interdiction aux femmes photographes d'après-guerre d'exposer, Madame Rodin destituée de son génie au profit de monsieur Rodin, plus récemment les textes des chansons célèbres de Jacques Dutronc que l'on a attribuées à Jacques Lanzman alors qu'elles ont été écrites par sa femme…
Elle coupa net la discussion.
- Bien. Cela suffit pour le ménage ! Venez vous agenouiller devant moi.
Le ton impératif de Lady Agnès, toujours imprégné d'une certaine douceur, m'émeut. Je me précipitai à ses pieds.
- Vous aimez mes chaussures ?
Elle me fixait du regard et je baissais instinctivement les yeux.
- Elles sont magnifiques, Madame, et vont à ravir à vos pieds délicats.
- Embrassez les Don Matéo.
Je portai à mes lèvres le cuir délicat de ses escarpins noirs et m’enivrai un instant du mélange des parfums. Au bout de quelques instants elle retira son pied, puis passant sa cravache sous mon menton, m'obligea à me relever.
- C'est assez Don Matéo. Redressez-vous et mettez les mains dans le dos.
Elle m'observa tranquillement, de haut en bas,s'arrêtant sur mon bas-ventre.
- Vous n'avez pas d'érection...Pourquoi ? Ne suis-je pas assez belle ?
Comme tous les hommes dont la virilité est remise en question, je rougis et bafouillait...
- Nnn...non Madame. Ce n'est pas cela.
- Ah bon… Qu'est-ce donc alors ?
- Je...Un homme en érection, Madame, est un mâle en recherche de femelle pour copuler. C'est en tout cas inscrit dans son esprit. Je suis ici pour vénérer la femme... vous, Madame.
- Intéressant, me dit-elle. Parlez-moi donc de moi.
- Vous êtes l'esprit de la femme, Madame, vive, incisive, clairvoyante, cela se lit dans vos yeux. L'étude du comportement est une de vos marottes me semble-t'il, et vous y excellez. Vous avez cette écoute que n'ont pas les hommes, et la beauté. Je m'interroge juste sur votre désir de domination ?
- Les réponses viendront peut-être plus tard mon ami.
Elle prit une laisse posée près d'elle et l'attacha à mon collier.
- Suivez-moi maintenant.
Je fus conduit, à quatre pattes, vers la pièce du fond qui devait être sa chambre au vu du lit qui y trônait. Je m'immobilisai sur son ordre, et comme tout bon soumis, la tête bien dans l'axe du corps, les yeux fixant la moquette rose de la pièce, les mains posées bien à plat, j'attendis. Elle laissa tomber la laisse au sol dans un bruit de chaînes et j’aperçus ses escarpins se diriger vers le fond de la pièce.
- Levez-vous et venez ici !
J'aperçus alors la croix de St André fixée au mur.
- Enlevez tout ! M'ordonna t'elle. Je m'exécutai.
- Installez-vous, je vous en prie...dit elle avec un sourire malicieux. Je levai les bras, collai mon ventre contre la croix. Elle attacha mes poignets aux menottes de cuir qui pendaient et mes chevilles furent cerclées au niveau du sol. Elle banda mes yeux. Je n'entendis plus alors que le silence et le bruissement de ses mouvements. Un sifflement suivi d'une violente douleur sur les fesses me tira de ma rêverie. Le souffle de sa voix murmura à mon oreille :
- Vous aimez ?
Sans que j'ai le temps de répondre, un second puis un troisième coup me brûlèrent le bas du dos.
- Alors... ? Chuchota t'elle à mon oreille.
- Oui Maîtresse, j'aime... Madame s'était changé en Maîtresse tout naturellement.
A partir de cet instant, je n'entendis plus le son de sa voix. Seuls les coups rythmèrent la cadence qu'elle imprimait comme une véritable chef d'orchestre. Ma respiration haletante, ses râles de plaisir, mon corps qui soufrait, ma tête qui ne se portait plus, cette musique incroyable qui m'emmenait très loin de mon ancienne vie m'accompagna jusqu'aux larmes.

Puis ce fut le silence. Tout s'arrêta. Dans un état hypnotique, mes poings restèrent serrés, jusqu'à ce qu'elle condescende à me libérer. Ce fut la délivrance. Ma respiration reprit doucement son rythme, mes muscles se détendirent lentement, je revins doucement sur terre.
- C'est terminé… me dit-elle. Les marques resteront une semaine. Rhabillez-vous.
Sa voix était douce. Presque maternelle. Je la remerciai, et lui témoignait l'espoir de lui avoir apporté tout le plaisir qu'elle en attendait. Je lui baisai la main et parti. Je ne la revis jamais.

Don Matéo

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